vendredi 13 mai 2011

Le «cancer de la France», c’est l’interventionnisme.

Le «cancer de la France», c’est l’interventionnisme.

par

Nicolas Madelénat di Florio,

Chercheur-associé au
Centre de Recherches en Ethique Economique
Université Paul Cézanne.

Jeudi 12 mai 2001.

Aristodème, un philosophe appartenant à la même école de pensée que Thalès, aux environs de 500 avant Jésus-christ, estimait que la fortune fait l’homme, car jamais on ne vit un homme sans moyens passer pour estimable. L’idée serait presque amusante si le temps avait contribué à la tuer, ou tout le moins, à atténuer le rapport moralité/richesse. Au XVII ème (17 ème siècle), nous retrouvons ce parallèle : l’aristocrate, riche et intelligent, ne peut être que moral ; le pauvre quant à lui versera de fait dans la délinquance et, plus généralement, la dégradation des moeurs. Il sera donc voleur, mendiant, assassin, ou régicide (ce qui constitue le pire des maux de l’époque). Mais pourquoi retracer en quelques lignes l’histoire d’une idée dans un article en rapport avec ce terme fumeux «le cancer de la France» ? Fort simplement ; l’actualité en témoigne et nous en donne l’occasion. Les journaux, depuis quelques jours, sont agités par le nouveau débat du moment, populo-démocratique, relatif au RSA. Ce nouveau revenu devait et tuer la misère et permettre une meilleure gestion des fonds publics. Pourtant, pour Laurent Wauquiez (en charge des affaires européennes), il faudrait aller encore plus loin ; le RSA serait sujet à trop de dérives et il conviendrait d’encadrer encore plus la distribution de nos impôts. Et de glisser le mot par qui le mal arrive : «l’assistanat».

Le bâton, puisque les carottes ne poussent plus.

Notre pays est considéré comme un de ceux qui protègent, qui paternent le plus, leurs citoyens. Le résultat, nous le savons, est une perte croissante de l’esprit d’entreprendre et une tentation, bien humaine, à se laisser porter par les décisions des politiques. Après tout, dirait l’homme de la rue, si l’économie va mal «c’est la faute à l’Etat» ou «c’est la faute à la mondialisation», voire à l’Europe. Les bouc-émissaires semblent donc tout trouvés. L’extrème droite va contre-attaquer et avancer qu’à ces responsables factuels s’ajoute une autre catégorie : les immigrés. Souvenons-nous de cette vieille, et sale, image de «l’immigré qui vient manger le pain des français». Appliquons maintenant à la situation l’approche intellectuelle de Frédéric Bastiat, lequel embrasse sans trop le vouloir une méthode visant à la recherche de la Vérité mise au point par Socrate : la maïeutique (remise permanente en question des faits afin de savoir si la personne fait bien, ou pas).

Ce que l’on voit, dans la situation actuelle : le nombre croissant de bénéficiaires du RSA et autres prestations sociales. A partir de ce constat, un autre, implacable : plus il y a de personnes concernées, et plus il y a de fraudes. Imaginez qu’un professeur surveille une classe de 30 élèves pendant un devoir. Il y aura des tricheurs. Doublez le nombre d’élèves, il y aura forcément plus de tricheurs. La qualité des élèves ne change pas, ils ne sont pas plus mauvais ou plus portés à la tricherie quand ils sont nombreux, ils sont simplement plus nombreux car le nombre total de personnes dans la salle augmente. La «solution» proposée est donc d’abaisser le niveau des prestations de tout le groupe afin d’imposer un retour au travail. En somme, la totalité des bénéficiaires est sanctionnée par la faute d’un petit nombre de gens : imaginez que le professeur punisse la totalité des élèves en leur attribuant un zéro de principe ; nous conviendrons ensemble que c’est immoral et stupide. Pourtant, parlez à vos voisins et un constat s’affirmera : les gens qui travaillent ne veulent pas/plus financer ceux qui ne travaillent pas. Il y a donc confusion entre le sentiment des français de payer trop d’impôts et autres prélèvements d’avec une réalité objective, les fraudes. La confusion des deux a un nom : c’est la démagogie, à savoir l’utilisation de la faiblesse des populations qui, en période de crise, aiment à désigner une victime et à lui faire endosser la responsabilité des maux : c’est le bouc-émissaire.

Ce que l’on ne voit pas : c’est dans cette partie de notre raisonnement que va s’affirmer un embryon de réponse. En effet, abandonnons l’idée que les pauvres délinquent plus que les autres ; nous ne sommes plus ni dans l’antiquité, ni au XVII ème siècle. Demandons-nous plutôt pourquoi le nombre de bénéficiaires du RSA augmente. C’est là le coeur du problème et la source de la solution. Si le nombre diminue, le nombre de fraudeurs suivra. Il convient donc de se demander pourquoi les français en arrivent à vivre sous la tutelle économique de l’Etat. La réponse est simple : l’omniprésence de l’Etat, la poussée croissante de son contrôle dans l’économie entraîne un dérèglement de celle-ci. Plus les politiques encadrent le marché du travail, règlementent à tour de bras, brassent de l’air et des impôts, et moins les entreprises embauchent. Or, si l’Etat savait rester à sa place, et évitait de s’imposer comme le ferait le père d’un enfant un peu retardé, entre l’entrepreneur et l’employé, l’économie se porterait bien mieux. Si l’Etat réduisait son train de vie, économisait plus au lieu de dépenser plus, et de nous endetter plus, les citoyens perdraient cette impression (justifiée) que nos impôts servent à financer des caisses trouées. Il faut donc créer de l’emploi en libéralisant l’offre.

Le «cancer de la France» n’est donc pas la fraude aux prestations sociales mais, plutôt, l’interventionnisme croissant. Que le pouvoir politique cesse de vouloir tout décider, tout encadrer, qu’il laisse à chacun le soin de vivre sa vie, d’assumer et ses choix et ses erreurs, tout comme ses réussites, et la France, et les français, se porteront mieux ! L’assistanat est donc un vrai problème de société mais ne laissons pas à ceux qui en sont responsables le soin de traiter le mal que leur mauvaise gestion engendre. Demandons, en citoyens responsables, et en contribuables lourdement taxés, que l’Etat cesse de nous restreindre dans nos libertés individuelles au profit d’un modèle de société dépassé et puérile ; nous ne sommes ni des moutons, ni des enfants.