Les communistes, des libéraux comme les autres ? Réflexion sur l'idée d'un "salaire maximum".
Par
Nicolas Madelénat di Florio,
Chercheur associé au
Centre de Recherches en Ethique Economique,
Université Paul Cézanne.
A Jean-Yves Naudet, car « c'est souvent le rire qui peut rappeler à l'homme ce qui le sépare de la bête »
« Le mensonge, fût-ce celui du silence, peut paraître opportun, et opportune la persévérance dans le mensonge, mais il fait à l'ennemi trop beau jeu, et la vérité, fût-elle douloureuse, ne peut blesser que pour guérir.»
André Gide, Retour de l'URSS.
Le titre, volontairement provocateur, de cette note, est parfaitement volontaire. En effet, comment ne pas comprendre que c'est par amour du marché libre que les grands intellectuels communistes ont propagé via le site internet www.salairemaximum.net cette idée merveilleuse d'une loi voulant instituer un salaire maximum. Et à la gauche plus traditionnelle, mais tout aussi interventionniste, d'ajouter qu'il faudrait, peut être, simplement, limiter cette règle aux salaires des grands dirigeants de sociétés où l'Etat possède des parts. Les libéraux auront tôt fait, je l'espère, de comprendre que cette mesure est une très bonne chose ; pourtant, ça ne saute pas aux yeux. C'est pourtant ce que je vais démontrer ici, avec un cynisme assumé, le même qu'il convient d'adresser aux fervents défenseurs du salaire minimum, cette arme formidable contre la compétitive et l'insertion des jeunes dans le monde du travail (entre autres).
Parler de salaires, en France, est un problème. D'une part car l'argent semble être drapé d'un tabou étrangement profond ; le français aime montrer qu'il possède beaucoup. Le courant bling-bling semble même faire de plus en plus d'émules. Fi du bon goût, la richesse se montre, se démontre ; au diable la Culture et la grande horlogerie, le beauf moderne achète une Rolex car c'est un mot qui rassure son porte-feuille et ses semblables. Grosse montre, grosse voiture, gros porte-feuille, tête plein de suffisance et d'espérance en un temps futur où il pourra apprendre que cette marque, avant d'en être une, est un mécanisme particulier. S'il cherche où placer la pile, hélas, tout est déjà gâché ! Les Français ont donc un problème avec l'argent ; tout autant qu'ils aiment à se montrer solidaires de causes auxquelles, au demeurant, ils sont assez insensibles. La fibre sociale, pourtant, demeure ; il plaît à la ménagère de verser sur le sans domicile fixe (devant lequel elle est déjà passée des centaines de fois sans le voir), une petite larme lorsque, emmené par la Police, il se voit placé dans un centre de soins. Et aux plus cyniques de dire, en résumé, que l'on s'achète aisément une âme, ou tout le moins une conscience, en offrant généreusement à quelque œuvre de charité un montant savamment calculé afin qu'il n'excède pas la part déductible des impôts. La solidarité s'organise ; c'est délicieusement triste que de voir à quel point le partage de la richesse est, souvent, une mascarade bien grotesque.
Mascarade grotesque donc, qui gagne jusqu'au politique. Aucun parti n'est épargné, et encourager la stigmatisation d'une minorité n'est plus un problème dans un pays où l'on peut frapper d'ostracisme une religion en l'assimilant à un hypothétique risque d'attentats. La peur, après le rire, est déjà une régression vers l'animalité. Pourtant, de qui se moque t-on lorsque des députés osent encore expliquer que par soucis de justice sociale (terme très à la mode, aussi creux qu'évocateur) il conviendrait de réguler le montant des salaires. Plus d'Etat, plus de lois contraignantes, ce serait donc plus d'égalité entre les personnes. Il est vrai, pourtant, et toute personne qui n'a aucune logique le reconnaîtra, que l'on peut tout comparer ; à partir de là, prenez deux exemples radicalement opposés, un bénéficiaire du RSA (Le fameux Revenu de Solidarité Active) et un grand patron (prenez le dans les entreprises « publiques » ou à participation étatique ; cela permet de faire croire au français moyen que ce sont ses impôts qui financent son salaire). Vous trouverez un écart terrible, la presse s'en mêle, l'affaire Bettencourt est toute dégonflée, voici un nouveau procès public comme en offrent les grands régimes interventionnistes. L'échafaud est déjà dressé, mais que les condamnés se rassurent, ils auront droit à un procès équitable avant leur mise à mort.
Mais alors, qu'est-ce qui justifie le titre ? Une analyse très simple. L'État possède des intérêts dans des entreprises. En somme, la structure qui détermine les règles du jeu économique possède aussi des acteurs dans ce même jeu. Pas besoin d'être un grand libéral pour comprendre à quel point c'est déloyal par rapport aux entreprises honnêtes, c'est à dire celles qui assument de vouloir simplement dégager des bénéfices et se développer. Et de préciser, au passage, que les dirigeants d'entreprises où l'État est présent ne devraient pas être des fonctionnaires, ou avoir un statut proche ; on sait trop bien à quel point la titularisation des agents entraîne une perte de compétitivité et de motivation. D'ajouter aussi qu'encadrer un salaire, une évolution de poste, c'est, une fois arrivé à l'échelon maximum, perdre tout intérêt pour son travail ; l'homme n'accomplit pas un devoir envers la France, il travaille avant tout pour lui-même. Ensuite, si le salaire est plafonné, qui postulera encore à des postes dont les responsabilités et la pression sont similaires dans d'autres sociétés où les revenus des dirigeants sont laissés à l'appréciation des conseils d'administration ? Et c'est là que le titre de cette note apparaît dans la lumière de ma volonté ; en plafonnant les salaires des dirigeants des sociétés à participation étatique, qui faussent le jeu économique, l'Etat les condamne à disparaître peu à peu, faute de compétitivité. Les meilleurs patrons, les plus innovateurs, seront recrutés par les entreprises les plus intéressantes ; le salaire est un moyen d'attirer et d'entretenir l'intérêt des travailleurs. En somme, encadrer encore le travail dans le milieu de l'entreprise revient, pour l'État, à retrouver de vieilles habitudes interventionnistes qui, tôt ou tard, aboutissent à un dérèglement des marchés et, à terme, à la multiplication des crises. On ne donne pas un révolver à un enfant !