lundi 10 janvier 2011

Responsabilité du consommateur, surendettement et ingérence étatique


Responsabilité du consommateur, surendettement et ingérence étatique
Par
Nicolas Madelénat di Florio,

Chercheur-associé au
Centre de Recherches en Ethique Economique,
Université Paul Cézanne.


« Le mensonge, fût-ce celui du silence, peut paraître opportun, et opportune la persévérance dans le mensonge, mais il fait à l'ennemi trop beau jeu, et la vérité, fût-elle douloureuse, ne peut blesser que pour guérir.»
André Gide, Retour de l'URSS.

Notre pays est une terre formidable, ni pire ni meilleure que les autres contrées d'Europe. Longtemps, nous nous sommes moqués d'une attitude étrange, fort courue chez nos amis américains, faire figurer des mentions de bon sens sur les notices de divers appareils électroménagers. Ainsi, achetant une machine à laver aux USA, n'est-il pas rare de trouver après les recommandations de branchements et divers détails techniques, quelques remarques, impératives; est expliqué par exemple que nos animaux domestiques apprécient peu de séjourner dans le tambour de lavage et que le rinçage, voire le séchage doit leur être épargné. Précisé aussi qu'un bébé ne doit pas être séché au micro-onde, qu'il est préférable de ne pas poser des récipients en plastique sur les feux de la gazinière, ou au four. En somme, le consommateur est plus qu'infantilisé par pareilles notions. Au demeurant, et en dehors de quelques personnes assez limitées (et il serait préférable alors de ne pas écrire ces indications mais plutôt de les dessiner), ces mises en garde s'avèrent inutiles. Et aux français, média en tête, de se gargariser de cette habitude devenue courante.

Pourtant, nous ne valons guère mieux. Et j'ai choisi pour le démontrer de traiter dans cette note d'une offre de crédit (le crédit renouvelable, ou crédit revolving) tendant à se répandre, véritable phénomène de société donc, diabolisée par la presse et les partis politiques « paternalistes », c'est à dire les grands défenseurs de l'interventionnisme; pour ces mouvances, le citoyen-consommateur est un enfant irresponsable qu'il convient de surveiller et d'encadrer, de punir, et d'entretenir dans un état constant d'abêtissement. Pour les « justes » donc, les défenseurs du pauvre consommateur torturé par une publicité forcément mensongère et incitative au surendettement, le crédit revolving est une arme de destruction massive envoyée par le grand patronat, vendu au côté obscure des forces économiques et, per extenso, à la solde du grand capital. C'est, à peine, caricaturer la situation. Plus précisément, et c'est là le contre-argument le plus avancé, cette forme d'emprunt « ouverte », c'est à dire que l'on dispose d'un capital, renouvelé tout seul au fil des remboursements (il est donc possible d'acheter de nouveau) représente une incitation à des dépenses excessives. Je dois reconnaître que c'est là une chose possible. Vous disposez d'une somme, vous êtes tenté de la dépenser. Mais en élargissant ce raisonnement, qui ne tient pas, je suis amené à dénoncer la légèreté de cette idée. Car, après tout, l'épargne est aussi une somme d'argent disponible; pourtant, les français parviennent à épargner, et c'est là une très bonne chose lorsque l'on sait que les meilleurs économistes (Hayek en tête) la placent à la base de toute croissance saine, et de tout système économique capable de créer de la richesse, et non de la dette, puis de la misère (c'est le cas de l'approche keynésienne, ou du dépenser plus pour endetter plus). En somme, l'argument en vertu duquel disposer d'une somme pouvant être dépensée entraîne forcément un besoin consumériste ne tient pas. Mais alors, que reprocher au crédit revolving ? Les intérêts peut être... C'est ridicule, personne ne peut penser qu'une banque confie de l'argent à un particulier par humanité, voire par charité. Ce n'est pas la finalité d'un organisme bancaire. Il est donc normal que le prêteur reçoive une somme en fonction du temps durant lequel son argent n'était plus disponible; c'est le principe même du prêt et des intérêts.

Mais le fond du problème est ailleurs. En effet, l'interventionnisme cher aux dirigeants français (le tout-État), à la fois père du peuple et mère de la désolation économique et des libertés, doit sans cesse trouver de nouvelles matières où glisser son groin avide. Le domaine bancaire n'échappe hélas pas à cette tendance, croissante, de voir des dirigeants politiques réglementer à tour de bras sous l'impulsion d'associations et de lobbies très orientés. A grand renfort de droits de l'Homme et de diverses tentatives de faire verser quelques larmes au lecteur, et à l'auditoire, le législateur français explique qu'en bon père de la famille France, il ne peut laisser à ses enfants les mains libres lorsqu'ils veulent s'émanciper de sa malsaine tutelle. Pourtant, ce serait la clef et de la relance économique de notre pays, et du développement de l'esprit d'initiative. Mais au-delà de ces considérations c'est toute une prise en compte de la personne qu'il faut revoir, et surtout, la responsabiliser. Pourtant, qui souhaite parler de choix, et plus encore de liberté de choisir, ne peut oublier que tout processus de décision implique de posséder les arguments intellectuels, et les mécanismes, permettant la formation de la décision. Il faut donc revoir notre système de formation intellectuelle des citoyens, à savoir l'Ecole. Car de mes années de jeunesse je garde un souvenir étrange où les professeurs expliquaient, par exemple, le bien fondé des thèses de Keynes; à savoir que les grandes dépenses permettent de créer de la richesse. D'autres professeurs n'hésitaient pas à encenser les thèses marxistes, alors même qu'ils enseignaient l'histoire et ne pouvaient donc ignorer que l'interventionnisme débouche systématiquement, et proportionnellement à son degré de prise sur la société, à une privation des libertés individuelles et collectives puis à un abêtissement par appauvrissement de la pensée. Il convient donc de purger nos programmes de toutes approches partisanes et que les maîtres appliquent ce qui devrait ne jamais les quitter, la réserve nécessaire à l'institution qu'ils représentent. Sortons des classes les affinités politiques des enseignants et faisons rentrer un air frais, et sain, celui de la raison et des arguments éclairés par l'histoire. Il faut redonner aux élèves les clefs nécessaires pour comprendre notre société, sans en omettre quelque pan jugé secondaire. L'économie, plus que jamais, doit être remise dans les matières élémentaires car permettant une compréhension individuelle de son temps et de ses usages. L'Ecole doit préparer les enfants à leur vie de citoyen, et non plus les formater à quelque approche étrangement dépassée par cinquante années, au moins, d'histoire, de massacres, de dérives. L'Ecole doit être un lieu d'élévation de l'esprit, de formation de la pensée critique, et non une usine de conditionnement. C'est à ce prix, aussi, que nous formerons des citoyens, et des consommateurs, éclairés et capables de choisir en conscience.

Il faudrait se débarrasser non pas tant des lois idiotes qui encombrent notre droit, mais plutôt des vieilles habitudes interventionnistes. Il faudrait que l'État apprenne à rester à sa place, à diminuer ses interventions dans le domaine de la vie privée et qu'il cesse, surtout, de protéger des comportements profondément irresponsables. En achetant à crédit, le consommateur doit songer qu'il devra rembourser, et la somme empruntée, et les intérêts. Sanctionnons fermement les pratiques douteuses des banques lorsqu'elles utilisent la méconnaissance de détails techniques par les emprunteurs; laissons aux emprunteurs le soin d'assumer seuls leurs mauvaises décisions et des prises de risques inconsidérées. Les français doivent être responsables, devant la loi, et devant les banques. On ne fait pas la charité à un peuple qui veut travailler; on le laisse être libre, adulte, et responsable.